Sur la distinction entre mur de soutènement et mur de clôture

Droit de la construction

La jurisprudence a eu à décider si un mur constituait un mur de soutènement ou un mur de clôture, ce dernier seul étant soumis aux règles de la mitoyenneté. Le mur de soutènement de par sa forme, ses dimensions, la pente du terrain et l’état des lieux, a pour but et pour effet d’empêcher les terres d’un héritage supérieur de glisser ou de s’abattre sur un héritage inférieur.

Par suite, si c’est là son seul but et son seul effet, il ne sert donc pas de clôture, n’empêchant aucune autre pénétration que celle des terres, et il est alors présumé appartenir à titre exclusif, au propriétaire du fonds dans l’intérêt duquel il a été établi ([1]).

A titre d’illustration, la Cour de cassation a réaffirmé qu’ayant constaté que la forme du mur litigieux était caractéristique de celle d’un mur de soutènement et que sa destination était de maintenir les terres de l’un des propriétaires voisins, la cour d’appel avait exactement retenu que ce mur était la propriété exclusive de celui-ci ([2]).

Il est ainsi de jurisprudence constante qu’un mur servant, effectivement ou théoriquement, de mur de soutènement est la propriété exclusive de celui dont il retient les terres ([3]) :                            

« Mais attendu qu’ayant constaté que la forme du mur litigieux était caractéristique de celle d’un mur de soutènement et que sa destination était de maintenir les terres de Mme X..., la cour d’appel a exactement retenu que ce mur était la propriété exclusive de celle-ci ».

La présomption de mitoyenneté édictée par l’article 653 du Code civil ne s’applique pas dès lors que le mur litigieux, compte tenu de sa hauteur initiale, avait pour fonction non de clôturer les fonds contigus des parties mais de soutenir les terres du fonds supérieur. Se fondant sur les présomptions qui lui sont apparues les meilleures, la cour d’appel en a déduit à bon droit que le mur est la propriété exclusive de l’un des voisins ([4]).

De même, dès lors qu’un mur, compte tenu de sa hauteur initiale et de la configuration des lieux, a pour fonction non de clôturer des propriétés contiguës, mais de contenir les terres du fonds supérieur, la présomption de mitoyenneté ne saurait s’appliquer, d’autant que du côté du fonds supérieur le mur litigieux jouxte immédiatement une servitude de passage grevant ledit fonds supérieur ([5]).

Partant, le mur n’ayant pas vocation à séparer deux fonds contigus mais uniquement à soutenir les terres de l’un des voisins, la présomption définie à l’article 653 du Code civil ne s’applique pas, ne s’agissant pas d’un mur de clôture. Ce mur de soutènement doit être présumé appartenir à celui dont il soutient les terres et qui en profite ([6]).


[1] Cass. req., 25 avr. 1888, DP 1889, 1, p. 262 ; CA Riom, 10 déc. 1891, D. 1893, 2, p. 437 ; T. civ. Saint-Yrieïx, 21 juill. 1953, Gaz. Pal. 1953, 2, Tables V° Servitudes, n° 2.

[2] Cass. 3e civ., 15 juin 1994 : Juris-Data n° 1994-001192 ; JCP G 1994, IV, 2063 ; N 1995, II, p. 204. – CA Paris, 8e ch., B, 6 nov. 1997 : Juris-Data n° 1997-023374. – CA Lyon, 1re ch., 15 févr. 2001 : Juris-Data n° 2001-161395. – CA Poitiers, 3e ch. civ., 2 mai 2001 : Juris-Data n° 2001-164777.

[3] Cass. 3ème ch. civ., 15 juin 1994, n° 92-13.487, Bull. 1994 III n° 125 p. 79.

[4] Cass. 3e civ., 2 juill. 1997, Juris-Data n° 1997-003198. Dans le même sens, Cass. 3e civ., 8 déc. 2004, Juris-Data n° 2004-026065.

[5] CA Paris, 1ère ch., 16 nov. 1994, Juris-Data n° 1994-050162 ; CA Montpellier, 1re ch., AO, 23 sept. 1997, Juris-Data n° 1997-034588.

[6] CA Paris, 23e ch., B, 7 mai 1998, Juris-Data n° 1998-021022.