Sur les interdictions de soumissionner à un marché public

La distinction entre les interdictions de soumissionner « obligatoires » (I) et celles « facultatives » (II) repose sur deux considérations qui sont étrangères à la gravité des faits commis par les opérateurs économiques : 

  • La première considération tient à la qualité de la personne qui a constaté l’état conduisant à l’exclusion des procédures de marchés publics ; 
  • La seconde considération tient à la latitude des acheteurs et autorités concédantes.

Dans le cas où l’opérateur économique est, au cours de la procédure de passation ou de l'exécution du marché public, placé dans l'une de ces situations ayant pour effet de l'exclure d'un marché public, l'acheteur peut résilier le marché public pour ce motif (III). 

Les interdictions de soumissionner « obligatoires » (I)

Les interdictions obligatoires sont celles qui ont été constatées par une personne extérieure à l'acheteur (peines prononcées par un juge pénal, défaut de régularité au regard des obligations sociales ou fiscales, redressement judiciaire constaté par un tribunal de commerce,...). 

Les interdictions de soumissionner « obligatoires » prévues aux articles 45 et 46 de l’ordonnance n° 2015-899 du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics et aux articles 39 et 40 de l’ordonnance n° 2016-65 du 29 janvier 2016 relative aux contrats de concession sont celles qui reposent sur la commission d’infractions ou de comportements qui ont été constatés par une personne extérieure à l’acheteur ou à l’autorité concédante, qui n’agissait pas elle-même en tant qu’acheteur ou autorité concédante, et intervenus en dehors de la procédure de passation du marché public.

Il s’agit : 

  • des peines prononcées par un juge pénal (Art. 45 1°, 4° a) et c) et Art. 46 1° et 2°) ;
  • des défauts de régularité au regard des obligations sociales ou fiscales, constatés soit par un juge, soit par les administrations chargées du recouvrement des impôts, cotisations et contributions sociales, soit par les services d’inspection du travail et assimilés (Art. 45 2° et 4° b) ;
  • des états de liquidations judiciaires, de faillites, de redressement judiciaire constatées par le tribunal de commerce (Art. 45 3°) ;
  • de la violation des règles relatives à la lutte contre le travail illégal, constatées par les services de l’inspection du travail et assimilés ou rapportés par ces derniers aux représentants de l’État (Art. 45 4°a) et 5°). 

Dans les cas d’interdiction de soumissionner « obligatoires », l’acheteur ou l’autorité concédante ne fait que constater la présence d’une cause d’exclusion et l’absence de mesures d’auto-apurement, lorsque celles-ci sont possibles.

Ces interdictions de soumissionner sont « obligatoires » en ce sens que l’acheteur est tenu de se conformer à l’appréciation d’une autorité ou entité qui lui est extérieure.

Il existe toutefois une dérogation prévue à l’article 47 de l’ordonnance du 23 juillet 2015 :

« Les acheteurs peuvent, à titre exceptionnel, autoriser un opérateur économique qui serait dans un cas d'interdiction de soumissionner prévu aux articles 45 et 46 à participer à la procédure de passation du marché public, à condition que cela soit justifié par des raisons impérieuses d'intérêt général, que le marché public en cause ne puisse être confié qu'à ce seul opérateur économique et qu'un jugement définitif d'une juridiction d'un Etat membre de l'Union européenne n'exclut pas expressément l'opérateur concerné des marchés publics. »

Les interdictions de soumissionner « facultatives » (II)

Les interdictions de soumissionner « facultatives » de l’article 48 de l’ordonnance du 6 juin 2015 et de l’article 42 de l’ordonnance du 29 janvier 2016 sont celles qui reposent sur des fait qui : 

  • soit sont constatés par l’acheteur qui mène la procédure ou par un autre acheteur au cours d’une procédure d’attribution du marché publics (Art. 48 I 2°, 3°, 4° et 5°) ;
  • soit ont été constatés par un acheteur ou une autorité concédante au cours de l’exécution d’un contrat de la commande publique (Art. 48 I 1°). 

Dans les cas d’interdiction de soumissionner « facultatives », l’exclusion repose sur une approche différente. 

L’acheteur ou l’autorité concédante ne pourra prononcer l’exclusion que si les éléments apportés par cet opérateur ne permettent pas d’établir que l’exclusion est bien justifiée et proportionnée à la gravité des faits (que « son professionnalisme et sa fiabilité ne peuvent plus être remis en cause et, le cas échéant, que sa participation à la procédure de passation n’est pas susceptible de porter atteinte à l’égalité de traitement » (Art. 48 II). 

Sur la résiliation du marché public et l’absence de droit à indemnité (III)

Selon l’article 49 de l’ordonnance du 23 juillet 2015, lorsqu'un opérateur économique est, au cours de la procédure de passation ou de l'exécution du marché public, placé dans l'une des situations mentionnées aux articles 45, 46 et 48 ayant pour effet de l'exclure d'un marché public, l'acheteur peut résilier le marché public pour ce motif.

Lorsque les faits commis sont assimilables à des fautes du titulaire, la résiliation du marché public sera prononcée à ses torts et il n’aura pas droit à indemnité.

Tel est le cas d’une interdiction de soumissionner reposant sur la commission d’une faute pénale ou la violation des règles du droit du travail relatives à la lutte contre le travail illégal.