Tribunal d’instance en cas d'aggravation de l'écoulement des eaux de pluie

Quelles compétences pour les servitudes d'écoulement des eaux ?

L’article 640 du Code civil dispose que :

« Les fonds inférieurs sont assujettis envers ceux qui sont plus élevés à recevoir les eaux qui en découlent naturellement sans que la main de l'homme y ait contribué.

Le propriétaire inférieur ne peut point élever de digue qui empêche cet écoulement.

Le propriétaire supérieur ne peut rien faire qui aggrave la servitude du fonds inférieur. »

Droit d'user et de disposer des eaux pluviales

Et l’article 641 du même Code prévoit que :

« Tout propriétaire a le droit d'user et de disposer des eaux pluviales qui tombent sur son fonds.

Si l'usage de ces eaux ou la direction qui leur est donnée aggrave la servitude naturelle d'écoulement établie par l'article 640, une indemnité est due au propriétaire du fonds inférieur.

La même disposition est applicable aux eaux de sources nées sur un fonds.

Lorsque, par des sondages ou des travaux souterrains, un propriétaire fait surgir des eaux dans son fonds, les propriétaires des fonds inférieurs doivent les recevoir ; mais ils ont droit à une indemnité en cas de dommages résultant de leur écoulement.

Les maisons, cours, jardins, parcs et enclos attenant aux habitations ne peuvent être assujettis à aucune aggravation de la servitude d'écoulement dans les cas prévus par les paragraphes précédents.

Les contestations auxquelles peuvent donner lieu l'établissement et l'exercice des servitudes prévues par ces paragraphes et le règlement, s'il y a lieu, des indemnités dues aux propriétaires des fonds inférieurs sont portées, en premier ressort, devant le juge du tribunal d'instance du canton qui, en prononçant, doit concilier les intérêts de l'agriculture et de l'industrie avec le respect dû à la propriété.

S'il y a lieu à expertise, il peut n'être nommé qu'un seul expert. »

Contestations relatives à l'établissement et à l'exercice des servitudes et leurs indemnités 

En ce qui concerne les « contestations auxquelles peuvent donner lieu l’établissement et l’exercice des servitudes par ces paragraphes et le règlement, s’il y a lieu, des indemnités dues aux propriétaires des fonds inférieurs », le sixième alinéa de l’article 641 du Code civil donne compétence pour statuer de ces chefs « en premier ressort » au « juge du tribunal d’instance du canton, qui, en prononçant, doit concilier les intérêts de l’agriculture et de l’industrie avec le respect dû à la propriété ».

Cette compétence est donc dévolue au Tribunal d’instance qui connaît, aux termes de l’article R. 221-16, 4° du Code de l’organisation judiciaire « des contestations relatives à l’établissement et à l’exercice des servitudes instituées par les articles […] 640 et 641 du code civil ainsi qu’aux indemnités dues à raison de ces servitudes ».

S'il est compétent, l'affaire devra être portée devant le Tribunal d'instance pour les servitudes d'écoulement des eaux pluviales, des eaux de source et des eaux issues de travaux ([1]).

Pour les autres, soit les eaux de ruissellement ([2]), l’aggravation de la servitude d'écoulement des eaux de pluie en raison de travaux indépendamment de cette servitude ([3]), la servitude conventionnelle ([4]), la compétence du Tribunal d'instance étant limitative, c'est le Tribunal de grande instance qui est compétent.

En pratique, par arrêt du 17 juin 2003, la Cour d'appel de NIMES a jugé que ([5]) :

« L’article 641 alinéa 6 du Code civil prévoit la compétence spéciale du Tribunal d'instance en matière de contestation concernant l'aggravation de l'écoulement des eaux de pluie.

L'énumération de l'article 641 étant limitative, cet article n'est pas applicable lorsque l'aggravation de la servitude d'écoulement des eaux pluviales est due à des travaux de construction et d'implantation de bâtiments, ainsi qu'à la construction d'aires de circulation et de stockage qui ont entraîné, du fait de l'imperméabilité des sols, une modification de l'écoulement naturel des eaux de pluie. Dans ce cas précis, le Tribunal de grande instance est compétent.

Par contre, si l'intervention du propriétaire du fonds supérieur s'est bornée à détourner le cours des eaux de ruissellement sans en changer la nature, elle entre très précisément dans le cadre de l'article 641 susvisé.

En l'espèce, les propriétaires des fonds supérieurs n'ont pas fait procéder à des constructions ou des implantations de bâtiments, ni à la construction d'aires de circulation et de stockage des eaux, se bornant à faire des aménagements. Dès lors l'article 641 du Code civil reçoit application et le Tribunal d'instance était compétent pour connaître du litige.»
 



[1] CA Versailles, 1re ch., 1re sect., 21 janv. 1985 : JurisData n° 1985-043881. – Cass. 1re civ., 17 janv. 1962 : Bull. civ. 1962, I, n° 39. – Cass. 1re civ., 19 nov. 1962 : Bull. civ. 1962, I, n° 487.
[2] CA Riom, 1re ch., 29 mars 1983 : JurisData n° 1983-040435.
[3] CA Aix-en-Provence, 4e civ., 8 avr. 1987 : JurisData n° 1987-041457. – CA Nîmes, 2e ch. civ. A, 17 juin 2003, n° 00/05150 : JurisData n° 2003-215883.
[4] TGI Charleville-Mezière, 22 févr. 1980 : JCP G 1981, II, 19575.
[5] CA Nîmes, Chambre civile 2 A, 17 juin 2003, WAAG ROZE / BONHOMME, n° 00/05150, JurisData : 2003-215883.