Le principe de l'urbanisation en continuité en zone montagne

Le principe de l’urbanisation en continuité

L'urbanisation en zone montagne doit se réaliser en continuité avec les bourgs, villages, hameaux et les groupes de constructions traditionnelles ou d'habitations existants (article L. 122-5 du Code de l’urbanisme ou CU).

Prohibition de l'urbanisation isolée

Ce principe consiste en une prohibition générale de l'urbanisation isolée ([1]) incompatible avec la préservation de l'environnement, des terres agricoles ou la limitation des risques naturels. Il revient notamment au PLU de déterminer les espaces nécessaires à l'urbanisation en utilisant des zonages compatibles avec l'article L. 122-5 du CU. Le PLU peut aussi délimiter, bien que ce ne soit pas une obligation, les lieux supports de la continuité de l'urbanisation (hameaux, etc.) (article L. 122-6 du CU).

Code de l'urbanisme et notion de continuité

La notion de continuité n'est pas définie par le Code de l'urbanisme, par exemple en termes de distances minimales ou d'autres critères permettant d'apprécier la cessation de continuité. Elle est relative à une forme d'urbanisation. Elle peut s'apparenter à la contiguïté absolue ou à une petite distance entre les constructions existantes et le projet. La continuité étant la qualité de ce qui se continue dans l'espace, elle suppose nécessairement une urbanisation existante que l'on entend poursuivre ; tel n'est pas le cas d'un lieu-dit pratiquement libre de constructions ([2]).

Application du principe de continuité

Si le principe de continuité est simple en apparence, son application va en revanche dépendre des circonstances locales. La difficulté est qu'il n'existe pas de définition précise des notions supports de l'extension de l'urbanisation dans le cadre de la Loi Montagne. On ne peut pas les définir par rapport à un nombre précis d'habitations, car leur forme varie selon les lieux et le positionnement des bâtiments ([3]).

Urbanisation d'un Bourg

Cette urbanisation peut être celle du bourg, défini généralement comme un gros village, ou du village, conçu comme une agglomération en milieu rural, comme un chef-lieu ou un bourg principal. Mais ce n'est pas un lieu-dit réunissant quelques constructions ([4]).

Urbanisation d'un Hameau

L'urbanisation préexistante peut être aussi celle d'un hameau ; celui-ci est entendu de manière souple étant précisé que la seule circonstance que des constructions soient édifiées sur des parcelles contiguës n'implique pas à elle seule qu'elles constituent un hameau, lequel nécessite plusieurs bâtiments suffisamment proches pour être regardés comme groupés ([5]). Du reste, quelques constructions constituées d'un kiosque pour vente à emporter, d'un poste de secours, d'un chalet restaurant, des chalets de départ et d'arrivée d'un télésiège et d'un chalet lié à une activité de scooter des neiges, aucune n'étant à usage principal d'habitation, ne sauraient être regardées comme formant un hameau existant au sens de l'article L. 145-3 ([6]). Le rapport de proximité entre les bâtiments est variable selon les régions, d'où l'impossibilité d'une définition générale du hameau. Par exemple, en Haute-Savoie ou en Beaufortin, l'habitat est en général plus diffus que dans les Alpes du sud ([7]). 

Nouvelle définition de l'urbanisation

Depuis la Loi Urbanisme et habitat de 2003, l'urbanisation existante peut également provenir de groupes de constructions traditionnelles ou d'habitations. Pour le juge administratif, il convient de l'entendre comme « un groupe de plusieurs bâtiments qui, bien que ne constituant pas un hameau, se perçoivent, compte tenu de leur implantation les uns par rapport aux autres, notamment de la distance qui les sépare, de leurs caractéristiques et de la configuration particulière des lieux, comme appartenant à un même ensemble ; que pour déterminer si un projet de construction réalise une urbanisation en continuité par rapport à un tel groupe, il convient de rechercher si, par les modalités de son implantation, notamment en termes de distance par rapport aux constructions existantes, ce projet sera perçu comme s'insérant dans l'ensemble existant » ([8]). Quant à la notion de constructions « traditionnelles », elle peut viser des constructions dont la destination n'est pas l'habitation, ce qui, en montagne, eu égard à la tradition économique locale, pourrait concerner des bergeries ou des étables, des granges, des fermes voire des bâtiments de « l'industrie » agricole (coopératives fromagères, laiteries...).

Cependant, l'article L. 122-6 du CU permet aux communes de délimiter dans leur PLU ou leur carte communale ces hameaux et groupes de constructions traditionnelles ou d'habitations existants en continuité desquels le document d'urbanisme prévoit une extension de l'urbanisation. Cet article prévoit que cette délimitation s'appuie sur la prise en compte de trois critères que sont :

  • Les caractéristiques traditionnelles de l'habitat ;
  • Les constructions implantées ;
  • Et l'existence de voies et réseaux.

La continuité implique nécessairement une proximité. Tel n'est pas le cas :

  • D'un secteur situé à plusieurs kilomètres du bourg et du village, à des centaines de mètres d'un lieu-dit réunissant quelques constructions ([9]) ;
  • D'un terrain situé à plus de 600 mètres de l'agglomération dont il est séparé par des terrains agricoles, malgré la proximité de plusieurs bâtiments industriels et commerciaux ([10]).

La continuité peut être appréciée :

  • En fonction de constructions situées sur le territoire d'une autre commune ([11]) ; la continuité est évaluée en observant la réalité physique de l'urbanisation, cette évaluation ne s'arrêtant pas à la frontière communale. Le Conseil d'État a jugé que « ... la cour, en appréciant la continuité de l'urbanisation au regard de la seule commune de Surba, au lieu de rechercher si les opérations prévues par le projet de zone d'activité s'inscrivaient, dans leur ensemble, dans la continuité de l'urbanisation existante, y compris sur le territoire d'autres communes, a commis une erreur de droit » ([12]) ;
  • En fonction de l'orientation du développement d'un bourg ([13]) ;
  • En considération des caractéristiques architecturales et des principes d'urbanisation retenus pour l'aménagement de la station (Arc 1800), constituée principalement d'un bâti espacé de grand volume ([14]) ;
  • Au regard du prolongement d'un secteur déjà ouvert à l'urbanisation ([15]) ;
  • Ou encore en tenant compte des barrières physiques constituant des limites à l'extension de l'urbanisation, qu'il s'agisse de barrières naturelles par exemple un ruisseau ([16]), des barrières végétales ([17]), une falaise ([18]), une rupture de pente ([19]) ou de barrières artificielles telle une voie communale ([20]).

Urbanisation et contentieux administratif

Au contentieux, le juge administratif évalue les distances entre les bâtiments, la densité et la logique de l'urbanisation locale, les caractéristiques architecturales, l'emplacement des routes, la qualité du sol et son usage, le tout étant arbitré par des considérations topographiques ou géographiques ou par la présence des équipements publics.

Sous réserve des exceptions et dérogations, il demeure qu'en dehors des parties actuellement urbanisées de la commune, le droit de construire n'est pas reconnu ([21]) même en cas de classement en zone urbaine par un POS ([22]), ou de l'existence des réseaux ([23]) ou de la présence d'un habitat diffus et limité dans le secteur considéré dès lors que les parcelles ne se situent pas dans le prolongement d'une urbanisation existante ([24]). Il convient de tenir compte du lieu d'implantation de la construction sur la parcelle ([25]).

En l'absence de continuité, le permis de construire doit être refusé ([26]) ou retiré ([27]) ; même solution pour l'autorisation de lotir ([28]). Sous l'empire des textes alors applicables, le certificat d'urbanisme ne pouvait être que négatif ([29]) ; cette solution, est adaptée aux certificats d'urbanisme délivrés depuis la réforme opérée par l'ordonnance du 8 décembre 2005 car l'Administration se borne à indiquer les servitudes d'urbanismes applicables et, si une opération est envisagée, si le terrain peut être utilisé pour sa réalisation (article L. 410-1 a et b du CU).

Les exceptions et dérogations au principe de l’urbanisation en continuité

Les exceptions

Peuvent être autorisées dans les terres protégées :

  • Les constructions nécessaires aux activités agricoles, pastorales et forestières ;
  • Les équipements sportifs liés notamment à la pratique du ski et de la randonnée ;
  • Les chalets d'alpage et les bâtiments d'estive.

Les dérogations

Peuvent échapper aux règles de l'urbanisation en continuité : 

  • L'adaptation, le changement de destination, la réfection ou l'extension limitée des constructions existantes.
  • La réalisation d'installations ou d'équipements publics incompatibles avec le voisinage des zones habitées.
  • Dans les communes ou parties de communes qui ne sont pas couvertes par un PLU ou une carte communale, des constructions dans les conditions définies au 4° de l'article L. 111-4 et à l'article L. 111-5, si la commune ne subit pas de pression foncière due au développement démographique ou à la construction de résidences secondaires et si la dérogation envisagée est compatible avec les objectifs de protection des terres agricoles, pastorales et forestières et avec la préservation des paysages et milieux caractéristiques du patrimoine naturel (article L. 122-7 du CU). 

Le cas particulier de la zone urbaine

La capacité d'accueil des espaces destinés à l'urbanisation doit être compatible avec la préservation des espaces naturels et agricoles (article L. 122-8 du CU). Le classement d'une commune comme commune de montagne n'interdit pas toute urbanisation, mais le juge de l'excès de pouvoir entend contrôler le zonage effectué et s'assurer de l'étendue des zones naturelles comme de celle des surfaces cultivées ( ). De la sorte, les auteurs des plans ne peuvent classer en zone U que des espaces en continuité de l'urbanisation existante ( ) ; ils sont tenus de classer en zone ND des POS (zone N des PLU) les terrains qui ne s'inscrivent pas en continuité avec les bourgs et villages et ne forment pas des hameaux nouveaux ( ).

En pratique, le classement en zone U n'est légal que si la zone considérée se situe en continuité de l'existant ([30]).

 

 

[1] CAA Marseille, 9 décembre 2010, n° 09MA00019 ; CAA Nancy, 30 juin 2011, Min. Écologie, n° 10NC01469.
[2] CE, 18 mai 1998, Cne Allonzier-la-Caille, n° 163708.
[3] Rép. min. : JOAN Q 13 mars 2012, n° 127552.
[4] CE, 14 décembre 1992, Cne Saint-Gervais-les-Bains, n° 115359 : JurisData n° 1992-048471.
[5] CE, 5 février 2001, Secr. d'Ét. au log. c/ Cne Saint-Gervais, n° 217796 : JurisData n° 2001-062008.
[6] CAA Lyon, 23 mars 2004, Cts Constant Marmillon, n° 00LY00071.
[7] Une réponse ministérielle a tenté de synthétiser les approches, Rép. min. n° 07848 : JO Sénat Q 27 août 2009, p. 2046.
[8] CAA Lyon, 22 juin 2006, préfet Haute-Savoie, n° 05LY01465 ; CAA Lyon, 24 novembre 2009, Cne Bonne, n° 07LY02682 ; CAA Lyon, 28 septembre 2010, n° 08LY02384 ; a contrario, un ensemble de bâtiments, loin de former un groupe homogène, qui s'étale au contraire sur plus de 400 mètres linéaires et constitue un mitage diffus, même doté de l'ensemble des réseaux publics, ne peut être qualifié de groupe de constructions au sens des dispositions du Code de l'urbanisme, compte tenu du parti pris d'isolement des constructions qui le composent, CAA Marseille, 1er juin 2015, B. c/ préfet Alpes-Maritimes, n° 13MA01586.
[9] CE, 14 décembre 1992, Cne Saint-Gervais-les-Bains, n° 115359 ; CAA Lyon, 8 février 2007, n° 06LY01787 ; CAA Bordeaux, 23 juin 2011, Cne Bagnères-de-Bigorre, n° 10BX02236.
[10] CE, 25 juin 2003, Cne Saillagouse, n° 233119 : JurisData n° 2003-065904.
[11] CE, 5 janvier 1994, Cribier, n° 129646 : JurisData n° 1994-040494.
[12] CE, 30 octobre 2013, Min. Int., n° 356338.
[13] TA Grenoble, 23 mai 1990, Potkof.
[14] TA Grenoble, 14 mai 2002, Abate, n° 0003042.
[15] CE, 7 oct. 1998, Assoc. Aujourd'hui pour demain, n° 168165 : JurisData n° 1998-050919 ; CAA Lyon, 10 juin 1997, Cne Contamines-Montjoie, n° 96LY00389.
[16] TA Grenoble, 30 juin 1992, Baillard, n° 902440.
[17] CAA Nancy, 30 juin 2011, n° 10NC01469.
[18] CAA Lyon, 25 octobre 2011, Cne Villarodin-Bourget, min. Écologie, n° 10LY00619.
[19] CE, 5 février 2001, secr. d'État au logement, n° 217798 ; CAA Lyon, 18 novembre 2003, Cne Saint-Gervais, n° 00LY02699.
[20] CE, 18 mai 1998, Cne Allonzier-la-Caille, n° 163708 : JurisData n° 1998-050393 ; CAA Marseille, 23 avril 2010, n° 08MA01705 ; CAA Marseille, 20 octobre 2011, min. Écologie, n° 09MA03284.
[21] TA Nice, 23 février 1988, Bernart, n° 1091-85-II.
[22] TA Nice, 10 mai 2001, Auvaro, n° 974700.
[23] CAA Bordeaux, 17 janvier 2002, Isabal.
[24] TA Nice, 30 janvier 1992, Guérin, n° 86-1379.
[25] TA Nice, 16 novembre 1989, Guigonis, n° 163489-II.
[26] TA Nice, 6 avril 1987, Levet, n° 312-87.II.
[27] TA Marseille, 7 juin 1989, Roux, n° 872267.
[28] TA Besançon, 24 novembre 1988, Féd. protection nature et environnement Doubs, n° 15648 ; CAA Lyon, 26 mai 2015, n° 14LY04058.
[29] CE, 5 janvier 1994, Cribier, n° 129646 : JurisData n° 1994-040494.
[30] CAA Lyon, 8 avril 1997, Gallo, n° 94LY00450.